Plusieurs mois se sont écoulés depuis ma participation à la Mountain of Hell 2021. J’ai revu la course et pris le temps de réfléchir à la question : comment réussir sa MOH ? Je vais vous livrer tous les enseignements que j’ai pu en tirer.
Faire une reconnaissance appliquée des tracés (leçon la plus longue)
Vendredi 2 juillet 2021, 14h30 j’arrive aux deux alpes, je vais récupérer mon dossard, le pass VTT pour les remontées mécaniques, j’enfile ma tenue et je suis prêt à rouler à 15h30. Et voilà la plus grande erreur qui m’a coûté des dizaines de place.
En arrivant si tard, je n’ai eu le temps de repérer qu’une seule fois le tracé des qualifications. En fait, le départ des qualifs et de la course est accessible via la télécabine JANDRI EXPRESS. On prend le 1er arrêt (de 1600 à 2600 mètres d’altitude) pour les qualifs et le second et dernier (à 3200 mètres d’altitude) pour la course. Etant donné que la durée est conséquente pour faire une montée et une descente, il faut bien organiser son vendredi pour optimiser ces repérages.
Voilà maintenant ce j’aurais dû faire. Tout d’abord, être à l’ouverture du téléphérique JANDRI EXPRESS à 9h et monter jusqu’au départ de la course finale. Pourquoi commencer par-là ? il est stratégique de tester la portion enneigée le plus tôt possible le matin afin de se rapprocher au maximum des conditions de la course qui a lieu à 8h le dimanche. De cette manière, les sensations sur la neige sont similaires à la course et l’on peut prendre la mesure du grip. De plus, si vous êtes parmi les premiers, il n’y aura pas de traces de pneus qui pourraient vous gêner. J’ai évidemment loupé cette étape, résultat, j’ai découvert la glisse le jour de la course et j’ai foncé dans un mur de neige pour une mauvaise trajectoire en virage. Pour bien exploiter cette portion enneigée il faut donc s’essayer sur la neige, comprendre à quel point l’on peut accélérer, ralentir et tourner afin de prendre la trajectoire la plus rapide. Si vous atteignez le bout rapidement et sans chuter, vous serez idéalement placé et votre position finale sera déjà prédéterminé à 80%.
Donc pour suivre mon planning serré du vendredi, j’utilise ma matinée pour m’entrainer un maximum de fois sur la portion enneigée grâce à la télécabine JANDRI EXPRESS de 2600 à 3200 mètres d’altitude. Bien-sûr je gère mon énergie pour ne pas trop me fatiguer, sinon ce serait improductif. Je termine enfin la matinée en repérant une première fois toute la portion comprise entre la neige et la station à 1600.
Après une belle pause repas de 2 heures où j’ai mangé consistant mais équilibré, je consacre mon après-midi au repérage du tracé des qualifications. Je le fais et refait en dosant bien ma fatigue, il faut être en forme sur les épreuves.
Samedi, c’est jour de qualifs, elles sont organisées par vague. Je connais déjà bien le tracé grâce à mes repérages de la veille mais c’est toujours bien de se rafraichir la mémoire. En fonction de l’heure de ma vague, je m’organise pour le refaire tranquillement une dernière fois. Je prends mon temps pour être certain de m’aligner à la bonne heure sur le départ.
Qualif terminée, je suis bien crevé, le vélo et moi-même avons survécu. La priorité et de bien récupérer pour la course de demain qui est à peu près deux fois plus longue. On est l’après-midi donc inutile que j’aille poser mes roues sur la neige qui s’est trop ramollie avec la chaleur. Je vais repérer tranquillement une dernière fois la portion qui n’est pas enneigée. Je pose mon vélo et je pars à pied repérer le fameux chemin pédestre de VENOSC, dont l’accès au VTT est autorisé uniquement durant la course.
Fin de journée, je me nourris d’aliments qui m’aident à récupérer et je me couche tôt en vue du réveil très matinal et de l’effort intense qui m’attend le lendemain. Car en effet, pour faire prendre le départ au glacier (3200 mètres d’altitude) à environ 1000 vététistes il faut démarrer les navettes dès 5 heures du matin et jusqu’à 7 heures. L’ordre de passage étant déterminé en fonction de vos résultats aux qualifs (les premiers d’abord).
Ne pas négliger les qualifications
Les qualifications déterminent votre ligne sur le départ. Si vous êtes rapide mais que vous ratez vos qualifs, il sera très difficile de sortir rapidement de la portion enneigée durant la course. Vous vous retrouverez coincé dans le cœur de la MOH : un gros bordel. Votre vitesse sera limitée par les autres participants plus lents et vous serez gêné par les chutes et les problèmes techniques. Sortie de la neige, les gars des premières lignes auront déjà une avance irrattrapable. Avance qui ne fera que s’accroitre au fur et à mesure que vous atteindrez des zones « entonnoir », des passages lents et étroits qui créent des bouchons avec la masse des participants qui y arrivent rapidement.
Et je parle en connaissance de cause, c’est exactement ce que vous observerez en regardant ma vidéo GOPRO de la course en bas de l’article.
J’ai terminé ma vague des qualifications 28e sur 77. Ce qui me plaçait 4 ou 5e ligne au départ de la course. Je me disais que c’était une bonne stratégie de se donner à 80% pour les qualifs, pour plusieurs raisons :
- D’abord, pour m’économiser et conserver 100% de mes capacités le jour J
- Ensuite, pour limiter les risques de chutes et de casses, et tout simplement ne pas louper la course
- Enfin que c’était un bon dosage pour une première participation à un évènement du genre et dont je n’avais aucune idée de comment ça allait se passer
Toutes ces raisons n’étaient pas mauvaises mais limitaient mon résultat final bien plus que ce que je ne l’imaginais. J’ai bien vu durant ma qualif que j’aurai pu gratter quelques lignes en me donnant à 95%, et sans trop entamer mon physique en vue du lendemain.
Bien gérer les zones de dépassement
J’ai parlé plus haut de l’importance de faire une reconnaissance appliquée des tracés. Sans préciser ce qu’il fallait repérer concrètement. Intuitivement, sans aucune expérience, on pense à repérer (moi en tout cas) :
- Le balisage du tracé : pour le respecter tout simplement et ne pas avoir à y réfléchir durant l’épreuve
- Les zones de difficultés : pour les éviter ou bien tester la meilleure façon de les passer
- Les trajectoires les plus rapides : pour grapiller des secondes évidemment
Maintenant que j’ai l’expérience, j’ajouterai un dernier point : les zones de dépassement. Pourquoi et comment les utiliser efficacement ?
Les zones de dépassement étaient généralement en montées ou bien sur du plat. Pour doubler, il fallait donc produire un effort supplémentaire au pédalage. Arrivé au bout de cette zone, on enchainait avec un sentier plus étroit, technique et avec de la pente. Il devenait alors très compliqué de dépasser. J’ai très mal géré ces zones. Je me disais que si je me cramais au pédalage pour doubler, je n’aurais plus la caisse pour encaisser la descente d’après et je risquerais de chuter ou bien de gêner des gars plus rapides derrière moi.
Grosse erreur tactique, en fait je me suis fait doubler par des gars plus lents que moi car eux ne s’économisaient pas sur les zones de dépassement. Et ensuite je me retrouvais coincé derrière eux à ne pas pouvoir les repasser à cause de l’étroitesse du tracé et alors que j’étais plus rapide.
Ce qu’il faut donc faire : doubler sans se faire doubler. Soit produire un effort supplémentaire sur les zones de dépassement et légèrement récupérer sur les zones où ce n’est plus possible. Bien-sûr il ne faut pas non plus exagérer cette stratégie, surtout si vous n’êtes pas technique en descente car vous allez énerver (à juste titre) tous les gars collés derrière vous. S.V.P. je ne veux pas être victime de cette stratégie en 2022 !
Se préparer physiquement et techniquement en amont
Comment se préparer au mieux ?
L’idéal c’est de faire des courses d’enduro tout au long de l’année car c’est ce qui s’y rapproche le plus. Et si vous êtes déjà compétiteurs, vous n’avez pas besoins de mes conseils pour ça.
Le problème est que pour beaucoup d’entre nous, c’est compliqué d’avoir accès à des pistes d’enduro aussi longues et engagées autour de la maison. On n’a pas non plus suffisamment de motivation pour consacrer des week-ends entiers à faire des heures de routes pour participer à une course d’enduro. Il faut donc simuler l’épreuve avec les moyens du bord.
Quelles sont les qualités que j’ai besoin pour être efficace sur la MOH ?
- Techniquement : je dois être capable de franchir tous les obstacles pour arriver au bout, le plus vite sera le mieux
- Physiquement :
- Au niveau musculaire : je dois avoir une bonne endurance pour tenir le gainage nécessaire des longues descentes (surtout des cuisses, du haut du tronc et des bras)
- Au niveau cardio vasculaire : je dois être capable de pédaler fort sur les zones de dépassement et de bien récupérer en descente
On enchaine alors :
- Des factionnés courts sur les relances : quelques secondes de pédalage
- Des fractionnés longs en montée ou sur du plat : 3-4 minutes max de pédalage
- De la résistance musculaire / gainage en descente : de quelques secondes à 4-5 minutes
Vous avez ainsi le 3 axes sur lesquels il faut travailler le physique. Et sans oublier la technique car elle peut compenser le gainage dans les portions en descente. Plus on est technique, plus on est relâché sur le vélo et moins on a besoin de gainer fort.
Pour ma part, je roule dans le Gard toute l’année en cross-country. Certes il n’y a pas de longues descentes comparables. Mais en cherchant bien autour de chez soi, on trouve partout dans les campagnes de France des petites portions engagées. Vous pouvez aussi faire ça avec votre VTT enduro, c’est juste moins efficace au pédalage. L’autre avantage du cross-country est que pour une même descente, vous allez devoir compenser les centimètres de débattement en moins de vos suspensions et ainsi mieux travailler votre physique.
Quand le vélo est au garage, que les terrains sont impraticables à cause de la météo ou bien que la motivation n’est plus là. L’important est de s’entrainer quand-même pour conserver une bonne charge de travail. La charge de travail est le produit du temps et de l’intensité d’entrainement. Et vous trouverez des bénéfices dans presque toutes les pratiques sportives :
- Le footing
- Le gainage et la musculation au poids du corps à la maison
- Le tennis, le foot, le judo etc etc…
- Et même le travail s’il est physique et manuel (maçon, peintre etc…)
Avoir le bon vélo
Votre potentiel sera le produit de vos capacités et de celles du vélo. Un pilote pro avec un mauvais vélo sera contraint de ralentir pour ne pas le casser. Et inversement, un débutant avec un vélo haut de gamme se verra grandement facilité la tâche par le confort et la facilité pour prendre de la vitesse et franchir chaque obstacle.
Je pense qu’il faut au minimum un vélo moyen de gamme pour avoir un matériel assez solide pour tenir le week-end. Et si vous voulez performer, pas de secret, il suffit de regarder le profil des vélos des meilleurs :
- VTT enduro haut de gamme
- Majoritairement en 29’’
- Tout suspendu avec 160-170 mm à l’avant
- Pas forcément en carbone : le COMMENCAL META AM de Killian Bron a un cadre alu
De mon côté j’ai roulé avec un CANYON TORQUE CF 8.0 de 2018. Un super vélo de bike park très fun. Mais avec 180 mm de débattement à l’avant, 175 à l’arrière, des roues en 27.5’’, ce n’était pas le top niveau efficacité au chono.
Avoir la bonne mentalité
Bien que la course puisse paraître impressionnante, la Mountain Of Hell n’est pas une épreuve élitiste. On y croise à la fois des compétiteurs de très haut niveau et des vététistes du dimanche.
Les premiers sont là pour performer et briller sur cette course déjà mythique. Et les seconds viennent profiter de l’ambiance générale de l’évènement, rigoler entre amis et prendre un maximum de plaisir sans avoir d’autres ambitions que d’atteindre le ligne d’arrivée sans casse et sans blessure.
Entre les deux, il y a beaucoup de gars comme moi, qui jouent à la fois plaisir et compétition. Avec pour objectif de se classer le mieux possible par rapport à son niveau.
Et c’est bien toutes ces mentalités réunies qui font le succès de la MOH, avec une ambiance vraiment particulière : de fun, de risque et de performance.
Mais si vous venez pour la compétition, il faut justement ne pas se laisser aller par ce côté fun. Pour performer, il faut prendre le départ avec le bon mental.
Donc ok, l’ambiance est au top, je passe un week-end inoubliable, j’ai le bon stress et je prends du plaisir. Maintenant je suis sur ma ligne, dans une minute c’est le départ, je me concentre uniquement sur : mon effort, mes trajectoires et je double autant que je peux !
Conclusion
Voici donc toutes les leçons que j’ai retenues de ma première participation à la MOH 2021. J’ai terminé à la 164e place en faisant pas mal d’erreurs et sans m’engager à 100% dans le côté compétition.
En espérant vous avoir donné l’envie d’y participer, je vous donne rendez-vous à la MOH 2022, on verra si j’ai tiré les bonnes leçons, objectif : TOP 80.